Nos actualités

Pourquoi le changement est-il valorisé ?

Xerfi Canal a reçu Michel Mondet, Président d'Akeance Consulting, pour parler du changement : pourquoi est-il valorisé ? Une interview menée par Thibault Lieurade.

Bonjour Michel MONDET.

Bonjour Thibault.

Vous êtes président d’Akeance Consulting et on commence à vous connaître, on sait que vous vous méfiez un petit peu des « buzzwords », ces grands mots qui finalement ne couvrent pas grand-chose.

C’est exact.

Et je voudrais qu’on teste ce « buzzword » de « monde d’après », « monde d’après crise ». D’abord, qu’est-ce que vous en pensez de ce terme ? Est-ce qu’il recouvre vraiment quelque chose ? Il y a quand même des tendances qui se sont accélérées pendant la crise.

Ecoutez, vous savez que je n’aime pas bien ça. En l’occurrence, « monde d’avant », « monde d’après », je trouve même cela un peu grotesque. Il n’y a pas de changement. Il faut être lucide. On est toujours en paix. On arrive à se nourrir correctement. Mine de rien, on arrive à se faire soigner quelle que soit la maladie. Enfin, tout va bien dans le meilleur des mondes si je puis dire. On a un petit souci, c’est qu’on ne peut plus aller au restaurant. Et on ne peut plus faire de grande fiesta à la maison. Bon, ça va, on s’en remet. Donc il n’y a pas de grande transformation. En plus, le « monde d’après » personne n’en veut. Vous voyez bien au bureau, tout le monde veut arrêter le télétravail pour revenir au bureau. On disait exactement l’inverse au printemps. Tous les journalistes expliquaient qu’il fallait qu’on détruise les tours à La Défense, que tout ça ne servait plus à rien. Et j’ai, chez Akeance, beaucoup de mal à mettre le personnel en télétravail. Ils veulent tous venir travailler au bureau.

Mais alors, comment expliquer que ce « buzzword » ait émergé ? C’est juste pour se raconter des histoires ?

Oui, un petit peu. Un petit peu Thibault. Dans la pensée unique, le changement est censé être positif. Il est porté comme quelque chose de positif. Sauf que le changement est une simple soustraction : c’est « après » - « avant » = le changement. Donc le changement n’a aucune valeur en tant que tel. Il peut avoir une éventuelle valeur si l’on positive la destruction d’avant. Le changement pour détruire peut être positif dans ce sens mathématique-là. Non, je pense que le changement est porteur de positif dans la pensée unique parce que ça fait toujours accroire le sentiment que ce sera meilleur demain si vous voulez. Ce qui pose un gros problème. On survalorise le progrès, or le changement n’est pas forcément porteur de progrès. Vous avez des tas de cas de transformations en entreprise qui sont liés à la sécurité, à la réglementation qui ne sont porteuses de rien du tout. Il faut juste appliquer et se mettre en conformité avec, encore une fois, ou la sécurité ou la réglementation. Donc c’est porteur ni de bien ni de mal si j’ose dire, ni de positif, ni de négatif. Et puis en créant trop d’espoir pour faire accroire du positif dans le futur, on crée ipso facto, presque une réaction chimique qui est de penser qu’on est malheureux dans le monde de maintenant si vous voulez. Donc on crée une rupture excessive pour les individus.

Il y a donc un risque, un vrai risque à outrepasser cet aphorisme américain que j’aime bien « if it ain’t broke don’t fix it ». Si ce n’est pas cassé, ne le réparez pas.

C’est très bien. C’est un bel adage je trouve aussi. Cela étant dit, oui les conséquences sont importantes parce qu’à insister sur le changement on crée un sentiment de rupture potentielle d’espoir des individus. C’est très vrai dans les sujets de transformations que l’on mène chez Akeance. Il y en a beaucoup qui sont porteurs de pas grand-chose si vous voulez. On crée des frustrations, les frustrations créent l’ennui, créent la pénibilité etc. Bien à tort si vous voulez. Donc le changement, aussi positif paraît-il, il n’en est pas moins qu’il est extrêmement négatif  à l’égard des individus qui le vivent plutôt très mal contrairement à ce qu’on raconte.

Mais alors, comment s’adapter aux évolutions si l’on relativise cette notion de changement ? Est-ce qu’il faut considérer le changement comme quelque chose de permanent et incrémenté par petites touches ?

Il y a plusieurs choses. Effectivement, il y a des évolutions comme vous dites, il y a des transformations. Cela reste neutre. Et quand c’est positif, il faut appeler cela une amélioration si vous voulez. Le changement c’est que la soustraction, donc il faut donner un vecteur neutre ou positif, à différents projets, à différentes transformations. La réalité c’est qu’il faudrait pouvoir dire après coup si vous voulez, une fois que les choses sont passées, au sens du futur antérieur, « tiens, ça a changé ».

Et bien merci beaucoup Michel Mondet.

Merci Thibault.

Articles recommandés

2ème partie - La performance industrielle : la méthode des coûts standards Lire plus
1ère partie - La performance industrielle : la méthode des coûts standards Lire plus
De l'affectio societatis à "je kiffe ma boite" ? Lire plus
Top