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Le Grand Entretien de Michel Mondet par Michel Denisot

Akeance Consulting : cinq questions à Michel Mondet

Akeance Consulting est un cabinet de conseil stratégique qui a la particularité de placer la personnalité de chacun de ses collaborateurs au centre de son dispositif.

Michel Denisot : Le grand entretien avec Michel Mondet, qui est fondateur et président d’ « Akeance Consulting », société de consulting. Que veut dire « Akeance » ?

Michel Mondet : Akeance… ce sont mes petites origines d’adolescence. J’aimais bien faire du grec quand j’étais jeune : j’ai donc voulu réconcilier les « Achéens[1] » et la finance du XXIème siècle. Il y a une sorte de jeu de mots qui raccourcit ma vie de mes 15 ans et de mes 60 ans.

Michel Denisot : Pourquoi avez-vous créé cette société il y a 17 ans ?

Michel Mondet : Oui, 17 ans. Pour plusieurs choses. Une chose qui est égoïste et personnelle : quand vous êtes dans un grand groupe (j’étais chez KPMG), vous avez envie d’avoir plus de liberté, d’avoir moins de contraintes par à la fois vos patrons, à la fois les autres lignes métiers (l’audit, le conseil… c’est un peu compliqué). Vous gagnez votre liberté en créant une entreprise, même si vous êtes obsédé maintenant par la réussite de l’entreprise. La deuxième raison est un peu plus spirituelle, j’ai envie de dire : faire en sorte d’exercer le métier comme vous avez envie de le voir exercé. Un moment donné, on peut dire « je n’aime pas la tarte aux fraises » de Mme Machin, « je n’aime pas la tarte aux fraises » de M. Michu… eh bien au bout d’un moment, faites votre tarte aux fraises ! Et donc, c’est dans cet esprit-là, un peu spirituel, de vouloir exercer le métier comme je le voulais que j’ai fondé Akeance.

Michel Denisot : Quel est votre métier ?

Michel Mondet : Mon métier ? C’est toujours difficile d’expliquer ce que c’est qu’un consultant, il y en a partout, plein la planète. Nous, on aide les entreprises dans leurs projets de transformation : c’est de la stratégie mais opérationnelle. Ce n’est pas des études prospectives à long terme comme font certains. Ce n’est pas du développement informatique. Ce n’est pas de l’intégration système. C’est de dire : une entreprise a un projet de revoir son organisation, elle a une fusion, elle a un choix de progiciel pour changer ses systèmes d’information… toutes ces transformations qui sont très lourdes en interne à mener d’une part, et qui sont très lourdes en termes de conséquences sur les équipes… on en fait soit une étude préalable : quelle organisation veut-on ? quelle nouvelle gouvernance ? quel choix d’ERP veut-on ?... et dans la foulée de cela, voire indépendamment, la direction du projet de transformation.

Michel Denisot : On va voir les chiffres d’Akeance avec Virginie Masse.

Virginie Masse : Créé en 2004 par votre invité, Michel, Akeance Consulting est basé à Paris et à Bruxelles. Ce cabinet est strictement indépendant puisque 100 % du capital est détenu par les 8 associés opérationnels. En 17 ans d’existence, le cabinet a accompagné 250 clients, essentiellement de grands comptes, et collabore avec une équipe composée d’une soixantaine de consultants principalement regroupés sur le bureau de Paris. Enfin, le chiffre d’affaires de l’ensemble des entités Akeance est de 10 millions d’euros répartis sur les 7 secteurs d’activité.

Michel Denisot : Quels sont les atouts d’Akeance ?

Michel Mondet : Les atouts sont évidemment nombreux, mais vous n’êtes pas client Michel, donc je ne vais pas vous faire tout le baratin. On est indépendant… c’est un énorme sujet. Indépendant, c’est-à-dire que 100% du capital appartient aux associés du cabinet qui travaillent à l’intérieur d’Akeance.

Michel Denisot : Vous êtes de nombreux associés ?

Michel Mondet : On est 7.

Michel Denisot : Les fondateurs autour de vous ?

Michel Mondet : Non, il faut faire grandir les plus jeunes. Donc, il y a des fondateurs et il y a des plus jeunes qui au fil du temps ont fait leurs preuves de capacité à être engagés dans un temps un peu long… et qui ont fait leurs preuves évidemment de qualité de production, de qualité commerciale… pour continuer à reproduire l’entreprise, de façon marcottage de fraisier, reproduire l’entreprise au fil des années qui passent.

Michel Denisot : Donc l’indépendance…

Michel Mondet : L’indépendance, 1er sujet : aucun contrat de distribution exclusif avec qui que ce soit.

2ème sujet, c’est l’équipe. Dans le conseil, il y a beaucoup de demi-tricherie, si vous me permettez : on ne paie pas toujours ceux qui travaillent. Donc nous, on fait payer au client ceux qui travaillent. Vous avez toujours une équipe avec des consultants et un chef de mission qui est un associé et le client ne paie que cela. Il n’y a pas, comme dans certains cabinets, une quote-part d’un senior partner, une quote-part d’un associé qu’on ne voit pas beaucoup… c’est le 2ème argument.

Le 3ème argument, il est un peu difficile à expliquer : c’est le poids des méthodes. Il est un peu difficile parce que les clients ne sont pas sensibles aux méthodes. Quand ils y sont sensibles, c’est parce qu’elles sont à la mode. Vous voyez, tout est en méthode agile maintenant donc il faut tout traiter en méthode agile. Mais la méthode agile a un sujet très précis, restreint : on ne peut pas le mettre à toutes les sauces si vous voulez. Et c’est une des raisons pour lesquelles j’ai voulu fonder Akeance d’ailleurs : réhabiliter le poids des méthodes. Il ne faut pas se contenter de se dire : on met tout le monde dans une pièce, on fait un workshop, on discute, on fait des comptes rendus, on verra bien… ce n’est pas tout à fait une méthode. Il faut une méthode un petit peu autoritaire quand même, c’est-à-dire qu’il faut s’y tenir si on veut tenir les jalons de délai, les jalons du budget. Le 3ème sujet, c’est la méthode.

Le 4ème sujet, c’est un peu l’esprit. On a une devise interne qui est : « faire vite, faire simple, faire confiance ». Donc là aussi, quand on est chez un client pour un projet donné : il y a un début, un milieu et une fin. Il faut qu’on ait impérativement une immense transparence avec le client, avec des points hebdomadaires systématiques, pour que le client soit lui-même très au fait de comment nous dirigeons le projet ou où en est-on de l’étude que nous menons.

Michel Denisot : Qui sont vos clients ?

Michel Mondet : Les clients : on a beaucoup de grands groupes (Crédit Agricole, Intermarché…). On a aussi des ETI notamment dans le monde manufacturing. On a des boutiques très prestigieuses mais qui ne font que quelques centaines de millions de chiffres d’affaires... ce n’est pas forcément très gros mais c’est très connu et très prestigieux. Le monde du manufacturing est intéressant puisqu’il est évidemment plus compliqué que le monde du service. C’est compliqué philosophiquement car, voyez-vous, dans le manufacturing, le produit meurt quand on le vend (il faut avoir produit avant de vendre) alors que le service naît quand on vend (ouvrir un compte-courant à la BNP, il n’y a pas de compte avant qu’on ne le demande). Après les obsèques du produit manufacturier, il y a le service après-vente… il fallait quand même faire quelque chose. Il y a une inversion de philosophie entre le produit qui meurt et le produit qui naît au moment où on l’achète donc cela rend les choses différentes.

Michel Denisot : Qui peut faire appel à vos services ? Vous avez citez des grands noms, des ETI…

Michel Mondet : Il y a également des start-up ou des petites entreprises. Les start-up ont souvent une obsession : c’est la levée de capitaux auprès des fonds d’investissement, private equity… donc c’est souvent une grande prouesse de tous ces jeunes qui se lancent, d’arriver à lever quelques millions. Néanmoins derrière, ils sont obsédés par leur propre business model, développer leur appli, développer leur novation… et c’est très bien. Simplement, à un moment donné, il faut aussi sécuriser un peu toutes ces choses avec un suivi de trésorerie, des prévisions de trésorerie. Il faut sécuriser l’optimisation d’un BFR. Il faut sécuriser éventuellement le calcul d’un prix de revient… là aussi quand on est dans un monde manufacturier… et ceci est souvent négligé dans les start-up ou dans les petites boîtes à juste titre sur le fond… ce n’est pas un procès d’intention. Mais on est intervenu plusieurs fois soit pour le compte de petites boîtes, soit pour le compte de fonds d’investissements qui veulent sécuriser justement la partie gestion financière de leur boutique ou de leur nouvelle boutique.

Michel Denisot : Combien cela coûte de faire appel à vos services ?

Michel Mondet : Oh vous savez, on fonctionne tous avec un taux journalier moyen, un prix du jour. On vend en fait du consultant au mètre : tant de jours égalent tant de fois. On est tous, dans ce métier-là de gestion de la transformation opérationnelle, à 1200 €, 1500 € par jour.

Michel Denisot : Combien êtes-vous de consultants dans votre entreprise ?

Michel Mondet : Une soixantaine de consultants.

Michel Denisot : Est-ce que la pandémie a changé la donne ?

Michel Mondet : Non, pas pour nous, à plusieurs égards. D’abord, aucun client ne nous a laissé tomber : les projets ont continué avec des gens absolument remarquables comme au Crédit Agricole qui nous a annoncé tout de suite qu’il n’arrêtait aucun projet mais nous payait sous 48h. On a eu des clients qui sont à noter parce qu’ils sont vraiment remarquables. Et par ailleurs, on a continué de se développer quand même parce que les clients étaient toujours disponibles même à distance, même en visio. 2ème axe : on n’a pas eu recours au PGE ; on n’a pas eu besoin de mettre des consultants en chômage technique. On va faire une année 2021 un peu étale ; il n’y aura pas une croissance de
30 % : mais cela dit, il y aura du bénéfice, il y aura des bonus sans aide de l’Etat et sans chômage technique.

Michel Denisot : Est-ce que votre activité, l’activité d’Akeance est une sorte de baromètre de l’économie française ?

Michel Mondet : On n’est pas les premiers. Je pense que les premiers, la ligne de front si vous voulez, elle est plutôt chez les recruteurs. Les recruteurs sont toujours des gens intéressants à interroger, et je les interroge très régulièrement sur « comment va l’activité ». Parce que c’est eux le premier thermomètre, le baromètre de l’économie. C’est eux qui ont l’anticipation à 6 mois, de facto. Nous, on est le baromètre du ralentissement : c’est dans l’autre sens. C’est-à-dire que l’on voit les projets se décaler : les lancements de projets : « mon projet de fusion, je le décale de 6 mois » ; « ma réforme de la gouvernance, on verra un peu plus tard » ; « mon business plan, il n’est pas urgent ». Ça, c’est que les nuages arrivent. On est plutôt le baromètre des nuages qui arrivent.

Michel Denisot : Et là aujourd’hui, vous voyez la situation comment ?

Michel Mondet : Ah là, c’est plein soleil. Tout repart fort avec presque l’inverse : des clients qui nous disent même : « mais dépêchez-vous de répondre, je ne vous donne que 3 jours »… mais il faut quand même bien structurer un peu une réponse commerciale. Cela prend parfois un peu plus que 3 jours.

Michel Denisot : L’avenir d’Akeance est plutôt souriant dans l’immédiat. Et comment voyez-vous l’évolution de la société ?

Michel Mondet : Ecoutez, c’est vrai que je pense que c’est la première fois depuis bien longtemps, où on a une visibilité plus longue que d’habitude. Notre business model nous amène à raisonner avec des cycles de 3-4-5 mois : c’est un peu la moyenne, ou l’écart-type (comme vous voulez) de nos missions. En ce moment, entre les missions qui sont toujours en cours, les missions qui arrivent et les propositions commerciales qui s’entassent et qui s’empilent parce que l’on sort de cette période compliquée, fait que l’on a une visibilité à 2-3 ans, à peu près certaine… ce qui est exceptionnel.

Michel Denisot : Michel Mondet, pourquoi les clients font-ils appel à vous ?

Michel Mondet : Bonne question parce qu’elle est un peu difficile. Il y a une réponse officielle et simple. C’est qu’évidemment, quand vous organisez une fusion et que vous voulez revoir votre gouvernance, votre organigramme, vous avez besoin d’un tiers pour faire les travaux et avoir beaucoup d’échanges avec un certain nombre de directions et d’interlocuteurs dans l’entreprise, de manière un peu indépendante. Donc cela, c’est une bonne réponse, mais une réponse assez avouable. La réponse qui est moins avouable c’est que les entreprises ont quand même de plus en plus de mal à maintenir la responsabilisation des managers. On déresponsabilise de plus en plus les managers, notamment les managers intermédiaires qui n’ont plus le monopole de l’information :tout le monde sait tout, tout le temps, au prétexte qu’il faut intéresser les gens ; tout le monde est en copie de tous les mails… Les pauvres managers intermédiaires n’ont plus un rôle extraordinaire. Malheureusement, cette déresponsabilisation amène à faire en sorte qu’on a besoin de prendre des consultants pour gérer tous ces projets horizontaux. Mais je ne devrais pas le dire, puisque c’est mon business. Mais c’est un peu triste de voir une déresponsabilisation à ce point dans les grandes entreprises.

Michel Denisot : Merci beaucoup, Michel Mondet.

Michel Mondet : Merci à vous Michel.


[1] Début des civilisations qui s’installent de manière un peu organisée : on quitte le monde nomade.

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