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Bonjour Michel Mondet. Vous êtes président d’Akeance Consulting, et dans le cadre de vos activités, vous suivez attentivement les grandes mutations liées au commerce et à la grande distribution. Alors, on va parler des conséquences de l’essor de l’e-commerce. Première question : est-ce que l’essor de l’e-commerce a fondamentalement changé le commerce ?
Oui, Internet, c’est une révolution. La vraie révolution, elle est là. Quand il y a vingt ans on a pu acheter des choses à distances. Ça, c’est une vraie rupture de consommation, une vraie rupture sociologique, une rupture technologique. On a vécu cette rupture-là. Maintenant, je ne peux pas me retenir de penser que 20 ans après, l’e-commerce, c’est entre 6 et 8% du commerce, selon que l’on calcule, avec telle ou telle activité. Au fonds, le e-commerce, c’est une révolution molle.
Alors, Michel Mondet, on sait que vous aimez bien prendre des contrepieds. Dire le non-dit, comme le résume le titre de cette série. Alors effectivement ce chiffre de 6 à 8% est implacable. Néanmoins, comment expliquez-vous cette profusion de discours, de livres, qui présentent le e-commerce comme une révolution ?
Thibaut, votre question me fait pensez à une conférence à laquelle j’assistais il y a quinze ou vingt ans, durant laquelle on expliquait qu’en l’an 2000 l’e-commerce aurait tué les boutiques. Et du coup, qu’allait-on faire des boutiques, des centres commerciaux ? Des parkings, des HLM ? Vingt ans après, cette question fait sourire, car 92% du commerce se fait dans les mêmes boutiques, dans les mêmes centres commerciaux.
Que retenir de cette anecdote ? Qu’il y a toujours une part de mythe quand une nouvelle technologie apparaît ?
Oui, il y a toujours une part de mythe, de rêves … des envies, des pulsions, qui donnent l’impression qu’une nouvelle technologie va révolutionner beaucoup de choses. Alors qu’en fait, c’est souvent qu’une seule évolution. J’en veux pour preuve le témoignage de Guillaume Poitrinal, ancien dirigeant d’Unibail-Rodamco, qui un personnage connu sur la Place sur ces sujets-là, et qui dit lui-même «mais finalement, il n’y a pas tellement d’innovation, de révolution. Les nouveaux outils permettent de faire mieux, plus souple, et plus flexible ». Dit en creux, si j’ai bien compris ce qu’il voulait dire, on n’est dans l’amélioration et pas dans la révolution.
Mais, il n’y a pas eu selon vous, une rupture de fonctionnement sociologique ?
Pas tant que cela. Il y des éléments de rupture, clairement. Il y a la flexibilité du travail, le télétravail – encore que dans le télétravail, il y a plus de télé que de travail en général! – Vous avez évidement le monde des start-ups, l’esprit des start-ups, tout cela est encore nouveau. Mais cela étant, si vous rapprochez le volume des personnes concernées des autres, vous allez trouver cela tout petit. Vous savez, la quantité d’effectifs qui se trouve dans des incubateurs et dans des start-up, c’est la moitié d’une tour à la Défense, finalement ! Le principal des effectifs professionnels est en évolution lente, quand même.
Si on en revient aux centres commerciaux, on est obligé de constater qu’ils se sont digitalisés avec des écrans interactifs, la wifi, etc …
Oui, oui, il y a des évolutions. Mais il y a aussi des caprices. Ce n’est pas parce que vous mettez des dizaines d’écrans plats dans un centre commercial, que vous allez faire venir des gens dans le centre commercial ! Il faut donc se méfier du caprice. Il faut se méfier d’une modernité apparente mais qui cache la réalité de la réflexion que l’on a sur l’usage. Et le fonds du sujet c’est quoi ? Sur les centres commerciaux, c’est assez simple. C’est qu’on est dans une atonie de la consommation. Et tout le monde se bat, et se débat, que ce soit les marques ou les centres commerciaux, pour faire venir les gens dans les centres commerciaux et relancer la consommation. Vous avez la même chose chez les banquiers, qui est un autre monde. Vous avez des tas d’équipes qui réfléchissent à la révolution digitale prétendue. Sauf que la vraie révolution des banquiers, ce sont les crises que l’on a connues en 2008 et en 2011 et qui remettent à plat la relation des clients avec leurs banquiers. C’est la vraie question. Et ne nous trompons pas de question.