Bonjour Michel Mondet. Bonjour Thibault.
Vous êtes président d’Akeance Consulting, et je vous propose d’évoquer aujourd’hui un moment fort dans la vie annuelle des entreprises, je veux parler des entretiens d’évaluations des collaborateurs. Alors d’abord, vous êtes d’accord avec ma petite introduction, c’est un moment fort quand même de la vie des entreprises ?
Vous savez, en général, c’est plutôt une histoire de dupes.
Une histoire de dupes ?
C’est une histoire de dupes, les évaluations. Regardez dans les grands groupes comment cela se passe. Vous avez une rencontre avec un individu, donc le collaborateur est prétendument évalué. Ce qu’il se passe, c’est que celui qui évalue, soit le collaborateur est satisfaisant, et l’on ne va surtout pas lui parler de ses voies de progrès et d’amélioration car effectivement, on veut protéger l’individu. Soit à l’inverse, le collaborateur pose souci, l’évaluateur va fuir le sujet et les responsabilités. C’est le problème des DRH, c’est pas le sien. Il ne se passera pas grand-chose, vous voyez. Même le collaborateur lui-même si vous voulez, il va se trouver dans une situation où il va être plutôt charmeur, charmant, plutôt que de mettre véritablement les problèmes sur la table. Donc si vous voulez, je pense qu’on rate souvent l’exercice, on cherche à avoir un jugement sur le collaborateur qu’on ne parvient pas véritablement à trouver. Alors que je pense, sur le fond, une évaluation c’est plutôt ce qui permet de savoir si le collaborateur est toujours une bonne pièce du puzzle dans le grand puzzle qu’est l’entreprise.
C’est un problème de méthode, finalement ?
Oui absolument, c’est un problème de méthode. On cherche à juger, on est bon ou pas bon, et l’on cherche à donner des bons points. Si vous avez beaucoup de bons points, vous avez une image, comme à l’école. Et si vous avez une image, ça veut dire que vous avez une augmentation. Alors que du reste une augmentation ou vous n’en avez pas si personne n’en a, ou si tout le monde en a, tout le monde a un peu la même chose. Donc je pense que l’on fait beaucoup d’erreurs sur ce principe d’évaluation. On fait trois erreurs : du jugement, car je pense que l’on n’a pas à juger une personne, c’est excessif dans une relation hiérarchique. On juge un travail, une adaptation, une adéquation mais pas une personne. Je pense deuxièmement que le sujet des augmentations est non différenciant dans la plupart des entreprises même si le discours est « il faut différencier » : on va passer de 1,8 à 2,4%. Et puis troisièmement, à part aborder les véritables sujets, avoir le jeu de dupes que je vous évoquais, on peut créer un nouveau problème, c’est que malgré le discours, l’augmentation étant faible, le collaborateur lui-même est déçu. On ré-ouvre un deuxième front de conflit.
Mais alors, comment cela se passe chez Akeance Consulting, votre entreprise ? Il n’y a pas d’évaluations ?
Si, bien sûr, il y a des évaluations Thibault. Si, mais c’est un petit peu original. C’est-à-dire que vous avez des évaluations trimestrielles sur les missions, qui sont des évaluations techniques. Non pas sur l’individu, mais sur les choses faites. Sur la gestion opérationnelle du temps, sur la capacité à produire, sur la capacité à animer des ateliers de travail etc. Donc cela, c’est un premier sujet. Et puis vous avez surtout, en fin d’année, ce que je refuse qu’on appelle une évaluation mais que nous appelons des « bavardages annuels ».
Des bavardages ?
Absolument. Des bavardages qui durent deux heures, deux heures et demie, trois heures. Où chaque collaborateur rencontre à la fois un chef de mission habituel qu’il connait bien, et une troisième personne qu’il ne connait pas bien. Une sorte de « ravi de la crèche » si vous voulez, qui posera des questions simples sur la vie de l’individu pour savoir si le collaborateur, le consultant dans l’entreprise est un élément du puzzle qui matche toujours. Vérifier que chacun a d’un côté l’envie, l’expérience, le souhait, et de l’autre côté le besoin. Et que la rencontre, si vous voulez, des évolutions qui sont un peu séparées d’un individu et de l’entreprise, continuent de matcher comme dans un morceau de puzzle dans un puzzle.
Mais si vous le permettez, votre organisation elle est extrêmement chronophage, si l’on prend les évaluations techniques plus le bavardage annuel ? On pense souvent aux managers qui se plaignent du temps que prennent justement ces exercices d’évaluation.
Vous avez raison, c’est très chronophage. C’est très chronophage à double titre : cela prend du temps unitairement, et cela prend du temps parce que l’on est systématiquement trois autour de la table. Parce que l’on prend du temps à rédiger sur papier libre le résumé synthèse du sujet. Mais moi je préfère, le mois du bavardage de fin d’année, perdre dix pourcent du chiffre d’affaires, et de consacrer ce temps-là aux collaborateurs. Si vous voulez, si l’on ne passe pas au moins deux ou trois heures par an à discuter de l’année passée et de l’année à venir avec chacun de nos collaborateurs, on a tort. C’est tout simplement du respect de l’individu.
Et bien merci beaucoup Michel Mondet. Donc pas d’entretiens d’évaluation, on l’a compris, mais des bavardages chez Akeance. C’est original. Merci beaucoup.
Merci Thibault.