Valeurs d'entreprise : ce n'est pas qu'un simple exercice de communication
Akeance Consulting TV, la chaîne du cabinet de conseil Akeance Consulting, et son programme d’émissions vidéo « Dire le non-dit », aborde avec audace et sans tabou les grands enjeux des entreprises et du management.
Aujourd’hui Xerfi Canal TV a reçu Michel Mondet, président d'Akeance Consulting, pour s'interroger sur la définition des véritables valeurs de l'entreprise. Une interview menée par Thibault Lieurade.
Bonjour Michel Mondet, vous êtes le président d’Akeance Consulting et il faut bien le dire que vous avez un avis bien tranché sur toutes les tendances un petit peu à la mode en entreprise. Alors j’ai envie de vous demander qu’est-ce que vous évoquent les valeurs de l’entreprise, est-ce que l’on est typiquement dans l’affichage alors qu’une entreprise c’est avant tout faire du profit ?
L’entreprise c’est faire du profit, ça c’est l’objectif, mais ce n’est pas une valeur d’entreprise. La valeur de l’entreprise c’est autre chose. Si vous voulez, si la valeur de l’entreprise c’est l’argent pour vous, ce n’est pas la peine d’avoir une entreprise. A ce moment-là, si l’argent c’est la valeur, montez un système mafieux, vous serez en plein dedans.
Mais alors comment est-ce que l’on définit les valeurs d’une entreprise ?
Cela se passe en deux temps, vous avez les valeurs primaires, celles de l’honnêteté, de la transparence, de la lisibilité… Et ça, ça appartient au monde de l’entreprise. Je sais bien que de nombreux collaborateurs sont pris en défaut sur ces sujets mais c’est ça les valeurs primaires qui font que l’on est dans une entreprise et pas dans un système mafieux.
Le deuxième sujet est les valeurs secondaires qui, elles, sont plus proches de la culture d’entreprise. Ce sont l’ambition, la fierté d’un produit, le leadership sur un marché… Ça c’est les valeurs secondaires qu’il faut pouvoir identifier. Si vous voulez c’est un peu comme le Coca, vous avez les valeurs primaires qui sont le petit secret du Coca-Cola et puis vous avez les valeurs secondaires qui font que vous avez vraiment une bouteille de Coca, avec tout dedans.
Et en quoi est-ce important de définir ces valeurs clairement ?
C’est important à plusieurs égards. C’est important parce que ça donne une sorte de sens magnétique à l’ensemble des équipes dans toute la hiérarchie, dans tous les métiers et toutes les fonctions support. Un sens magnétique c’est quelque part une épée de Damoclès positive au-dessus de la tête de toutes les équipes. Ce n’est pas une menace, ce n’est pas une sanction potentielle, c’est au contraire une gratification positive qui donne du sens à ce que l’on fait dans l’entreprise. On a régulièrement le constat des valeurs. Vous savez dès que vous êtes dans un hall d’accueil d’une entreprise, vous voyez des cubes, des tétraèdres etc… vous avez des valeurs sur toutes les faces. Il y a trop de valeurs. Il faut identifier la valeur d’une entreprise, d’abord une valeur primaire qui va tirer toutes les autres, si on dit transparence on va de facto dire honnêteté, respect… Si on dit respect des individus, on va tirer la transparence etc… Alors vous avez une valeur mise en relief et vous avez une ou deux valeurs secondaires pour donner précisément ce sens magnétique à l’entreprise, et que toutes les équipes soient fières de manière quasi rituelle de cette valeur de l’entreprise.
Et qui va fixer ces valeurs ?
Ça ne se fixe pas véritablement, c’est aux dirigeants ou aux actionnaires à identifier cette valeur qui est issue de l’espace-temps culturel de l’entreprise. C’est un peu grandiloquent mais c’est ça. Il y a naturellement dans les équipes, dans l’histoire de l’entreprise, dans l’histoire de ses produits, de ses clients et de ses fournisseurs une ou deux valeurs qui vont émerger. Et c’est effectivement aux dirigeants, au sens actionnaires, d’identifier ce type de valeur.
Comment cela se passe pour les individus qui ne seraient pas en accord avec ces valeurs ?
Vous savez, tout individu a le droit de s’exprimer. Tout individu peut critiquer, toute équipe, tout groupe peut s’exprimer et critiquer, avec le minimum de respect qui consiste à avoir une contre-proposition. Mais remettre en cause une valeur va être difficile, c’est plutôt l’absence de valeur affichée ou de clarté de la valeur qui va rendre les choses compliquées. Je vais prendre un exemple si vous le voulez bien. Vous prenez l’affaire des sub-primes. L’affaire des sub-primes, on était dans une entreprise qui normalement doit effectivement respecter transparence, honnêteté, lisibilité… On était dans des produits plus ou moins dangereux, dont les managers savaient que c’était plus ou dangereux. Et finalement un individu, un groupe d’individus ne dit pas les choses et ça a conduit à ce que vous savez, une grande catastrophe mondiale. Si on ramène cette « méga-anecdote » au sujet des valeurs, c’est quoi ? C’est que dans ces entreprises-là, qui étaient les banques du moment, les valeurs n’étaient pas suffisamment affichées. Il n’y avait pas ce respect de l’épée de Damoclès positive qui était de se dire : Je me dois de dire que c’est dangereux, je dois dire plus fort que c’est dangereux, je dois dire plus fort que ce qui est dangereux est, en terme de volume, très important. Ceux qui ont omis de faire ça, probablement ils ont faillis, mais probablement la valeur de l’entreprise n’était pas assez affichée.
En tout cas ce n’est pas que de la communication ces valeurs d’entreprise.
Merci beaucoup Michel Mondet.
Merci à vous.