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Jeunes diplômés, ne lancez surtout pas votre startup !

Bonjour Michel Mondet.
Bonjour Thibault.

Vous êtes président d’Akeance Consulting, et nous allons encore une fois essayer de « dire le non-dit » sur les sujets économiques et managériaux en vogue. Je vous propose de parler aujourd’hui des startups et de cet engouement pour les startups, à l’heure où la France se présente comme une « startup nation ». On va solliciter votre conseil, votre expérience. Qu’est-ce que vous diriez à un jeune diplômé qui se présenterait devant vous en disant : « J’ai un projet entrepreneurial, je veux lancer ma startup » ?

Thibault, à un jeune diplômé qui veut faire cela, je lui dis : « Surtout pas. Ne le faites pas. ». A cet âge-là, quand on a 22 ou 24 ans, le point est qu’il s’agit d’abord de savoir quelque chose avant de faire quelque chose. Tout le monde est obsédé par ce monde des startups, mais il faut savoir quelque chose. Si vous voulez, le startupper qui veut monter sa boite à cet âge-là il est dans l’émotion. Il veut d’abord monter sa boite, et le projet est corollaire. Cela doit être l’inverse : d’abord un projet, et ensuite on peut le développer et le mener à bien dans le cadre d’une startup. Donc au fond, ce qu’il va se passer, c’est que la plus grosse probabilité c’est l’échec. Je vous rappelle que deux tiers des boites créées font faillite avant trois ans d’existence. Et au final, l’émotion du jeune garçon ou de la jeune femme va en prendre un coup. Et l’échec ne sera pas assumé, ni approprié. On aura alors quelqu’un qui va commencer dans la vie avec des frustrations. Ses copains l’auront laissé tomber, ses actionnaires auront été frileux etc.

Mais alors si je comprends bien, vous êtes en train de détruire le mythe du selfmade man, qui est un mythe pourtant, un ressort décisif de l’entrepreneuriat ?

Comme vous le dites, c’est un mythe ! A quelques Mozarts de l’entrepreneuriat près…il y en a toujours. Le selfmade man, c’est quoi ? Il y a deux lignées du selfmade man : la première lignée, ce sont les individus qui ont grandi dans un monde culturelo-familialo d’entrepreneurs. Je pense à un exemple précis : en Pologne, je me souviens d’un réparateur de télévisions en noir et blanc à l’ancienne époque, qui avec la chute du Mur s’est mis à vendre des télés couleurs, à transmettre cela à son fils qui a eu l’idée de financer les télés couleurs et qui finalement a créé une banque de crédit à la conso. Il y a une lignée familiale, ou en tout cas un monde familial d’entrepreneuriat. Et puis vous avez l’autre lignée, une lignée où il faut juste croiser un mentor. Ce qui relève un peu du hasard, un peu de la volonté. C’est très vrai aux Etats-Unis, où dès que vous créez une entreprise, vous avez très vite des mentors, des gens qui veulent vous aider et vous appuyer. En France c’est un peu plus compliqué, mais encore faut-il avoir le mentor, et vouloir le mentor.

Je reviens à mon exemple de jeune diplômé de 20 à 25 ans qui voudrait se lancer, qui sent qu’il a réellement une fibre entrepreneuriale : Qu’est-ce qu’il doit faire ?

Je dirais deux choses Thibault : d’abord, je dirais : « Connais-toi toi-même », Socrate. Mais « Connais-toi toi-même », c’est difficile. Cela veut surtout dire : « Pense à ce que les autres pensent de toi ». Où est ce qu’ils te voient bon ? Où est-ce qu’ils te voient avec des qualités? Où est-ce qu’ils voient ton talent ? Il faut bien observer ce sujet-là, pour développer un projet dans la confiance de l’autre sur soi-même, ce qui est un vrai premier sujet. Et ensuite, je lui dirais : « Accepte et observe », mais accepte surtout, qu’il y ait un mentor, que tu croises un mentor qui croit en toi pour différentes raisons. Parce qu’il a détecté un talent. Parce qu’au fond on connait son milieu, son écosystème culturel, familial et personnel. Il y a des tas de raisons, c’est parfois le rôle des fonds d’investissement en early stage. Je lui dirais : « Observe, attend et cherche ton mentor ». Un peu comme Argos, dans la mythologie, qui a cent yeux. Je lui conseille d’en avoir cinquante qui sont tournés vers la connaissance de lui et l’image qu’il projette sur les autres. Et cinquante autres yeux qui seraient tournés sur la recherche d’un mentor. Vous savez, lancer son business ce n’est pas si compliqué que cela, ce n’est pas vraiment le sujet qui compte, c’est l’opportunité, qui est un alignement de planètes entre le « j’ai une volonté », « j’ai un projet », « j’ai un mentor » et « je me connais ».

Donc dire le non-dit, et faire le non-faire parfois. Merci beaucoup Michel Mondet.

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